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    Le tombeau dans les montagnes.

    Alfred Grégoire

     

        La lecture de la petite brochure m'avait rendu pensif. J'étais singulièrement frappé par la manière de cet homme d'expliquer les problèmes de la vie. Au fait, les expliquait-il ? Oui, dans une certaine mesure. Mais ce que je venais de lire dépassait ce qu'on entend d'ordinaire par "explication".

        Un ami m'avait apporté la petite brochure. Je m'étais toujours intéressé à tout ce qui se rapporte au sens de la vie. Mais rien n'a pu me toucher autant que les paroles de cet homme, nommé Abdrushin. Cette voix grave, qui fit naître comme une mélodie dans mon âme, il me semblait l'avoir déjà entendue autrefois, dans un passé lointain et je ressentis l'immense amour qui émanait de ces "Feuilles du Graal", un amour qui éveille le bien dans l'homme, malgré la sévérité que contiennent les paroles d'Abdrushin.

        Je sentis nettement qu'elles étaient "puisées", et non composées et recherchées à la manière des hommes. Elles se dressent comme un inébranlable rocher.

        Et un jour, je me trouvais devant Abdrushin. Les calomnies, que les journaux lançaient contre lui, ne m'avaient pas empêché de me rendre au Tyrol, où l'auteur du Message du Graal, vivait retiré dans les montagnes. Je ne pus constater quoi que ce soit de fanatique en sa personne, et mes oreilles n'entendirent ni paroles onctueuses, ni obscurité mystique. La compréhension et l'amour de tout ce qui vit dans la création rayonnait littéralement de lui.

        Il parla du sens de la vie, de la formation et de l'évolution de l'esprit humain. Devant mes yeux, se déroulèrent les grands enchaînements de la "vie". Tout doit sa présence à l'origine suprême de toute existence, à D I E U. L'homme seul se tient à l'écart des lois de la nature, il ne veut pas s'insérer dans l'ensemble, il a perdu son chemin et s'en va vers l'aventure. Seule la vie selon les lois immuables de Dieu, lois expliquées dans le Message du Graal et conformes aux paroles du Christ, lui rendra de nouveau l'harmonie et le bonheur.

        En ce jour, j'ai beaucoup appris, et entrevu des perspectives infinies. Je rentrai, bouleversé. Une vérité m'a été révélée, qui veut aller aux hommes en grande détresse.

    * * *  

        Des années se sont écoulées depuis mon inoubliable visite au Tyrol. Entre-temps, la guerre déferla par dessus la Terre entière, répandant la destruction et le malheur. La voix d'Abdrushin issue de la vérité, résonna en vain. Seuls quelques rares hommes l'écoutèrent. Inconnu, méconnu, Abdrushin quitta cette Terre.

    * * *

        A nouveau je gravis la montagne, pensif et triste. Mes pensées ne purent s'apaiser.

        Serait-ce que les hommes soient mauvais au point de refuser le secours qui les ramènent avec sollicitude sur le chemin de la Vérité ? Non, cela n'est pas possible ! Ils ne sont qu'égarés. Leur fond n'est pas gangrené, il semble seulement obscurci par l'amour de ce qui est terrestre, passager....

        L'humain

            est vain

         L'esprit qui résiste

            toujours subsiste.

    Des mains affectueuses avaient construit une pyramide pour recevoir les restes mortels du Maître. Là-haut, sur la montagne, sa silhouette silencieuse et sévère domine la vallée. D'une main émue je caresse avec amour la pierre froide.

    Tant que des fleurs fleurissent, tant que des eaux chantent et que des montagnes s'élèvent vers l'infini, il y aura des hommes pour écouter la voix d'Abdrushin et pour suivre le chemin de la liberté spirituelle.

     

    Publié en novembre 1951 par Alfred Grégoire dans "La Communication"

     
     
     




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